Bien que de nombreux freins à l’adoption persistent, tous les indicateurs semblent démontrer que le marché du cloud va connaître une croissance significative dans les prochaines années.
Cette nouvelle année débute avec la naissance en France de deux grands acteurs sur le marché du cloud : Numergy et Cloudwatt. Avec des datacenter localisés en France, le cloud souverain à la française peut-il changer la donne ?
Selon Gartner, le marché du cloud, en particulier celui des services d’infrastructures (Infrastructure-as-a-Service) a connu une croissance de 45,4% en 2012 avec près de 6,2 millions de dollars, et des perspectives toutes aussi bonnes. Dans le même temps, de nombreuses études font état de freins à l’adoption qui subsistent, comme la sécurité mais aussi la maîtrise du SI, la réversibilité, le niveau de service ou l’interopérabilité.
C’est dans ce contexte prometteur mais en maturation que Numergy et Cloudwatt lancent leurs offres (Numergy compte déjà la Mairie de Paris comme client et Cloudwatt a présenté ses offres en version bêta début décembre).
Issus d’un appel à projet de l’Etat afin de créer un « cloud souverain », ces deux consortiums comptent comme actionnaires la Caisse des Dépôts et des industriels français (Orange et Thales pour Cloudwatt, SFR et Bull pour Numergy). Si leurs offres ne sont pas communiquées, leurs stratégies marketing sont clairement axées sur la sécurité des données et leurs localisations sur le territoire français.
En toile de fonds, c’est l’ombre de l’USA Patriot Act qui sert « d’épouvantail » pour les candidats aux offres américaines. Cela accorde à l’Etat américain un droit de regard sur les données des entreprises américaines et leurs filiales, quelles que soient leurs localisations.
Sur le papier, les risques semblent importants. En pratique, les Etats-Unis restent un état de droit et compte-tenu des enjeux, des acteurs comme Amazon n’ont certainement pas envie de risquer leur crédibilité en diffusant à tout va les données de leurs clients …
Argument pertinent pour certains besoins, la localisation des données et la nationalité du prestataire ne sont qu’un des critères. Ces deux conditions apparaissent indispensables pour déporter certaines applications : les données relatives à la défense et la sécurité du territoire pour le public ou toutes données stratégiques pour le privé.
Quant aux autres besoins, qu’en est-il ? « Les entreprises doivent avoir une vision de leurs données segmentées par niveau de sensibilité et de risques. On ne propulse pas dans les nuages la gestion de parc informatique et la gestion budgétaire de la même manière ! Nos clients nous indiquent que la sécurité des données est un critère certes important mais que ce n’est pas le seul. »
« Fiabilité et pérennité du fournisseur, coût total sur l’ensemble du cycle de vie (transition, exécution et réversibilité du service), flexibilité et agilité du modèle (scalabilité technique et opérationnelle, souplesse contractuelle) et portée géographique sont autant de points qui rentrent en ligne de compte», explique Fabrice Barros, consultant chez Kurt Salmon.
La récente décision du Conseil Régional de Bretagne confirme cette orientation du marché. Il a en effet retenu fin novembre l’offre IaaS d’Amazon pour « déporter » une partie de ses infrastructures. Localisée en Irlande, la plate-forme couvre des applications non critiques de la collectivité territoriale.
La pertinence de leur business model sera à démontrer. Si la guerre du cloud IaaS se positionne aussi sur le terrain des coûts alors l’un des facteurs clé de succès sera la taille critique et une structure de coût très réduite.
A ce jeu là, difficile de concurrencer des entreprises internationales profitant de leurs infrastructures existantes, souvent dans des pays où les coûts de main d’œuvre sont bas, pour proposer des services cloud !
D’autant que le soutient de l’Etat, même justifié par une volonté d’émulation, à ces deux projets concurrents et aux ambitions «uniquement » européennes ne va pas dans le sens de la concentration et des économies d’échelle.
La réussite de ces nouveaux venus passe peut-être par une différenciation par la valeur. Numergy et Cloudwatt affichent tous les deux des objectifs ambitieux (entre 450 et 500 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2016/2017). Pour tenir leurs objectifs, le seul argument de la « souveraineté » ne sera pas suffisant et tenter de se différencier par les prix risque d’être difficile.
Pourquoi alors ne pas proposer, en propre ou par le biais de partenariats forts, des services à plus forte valeur ajoutée ciblant les spécificités existant sur le marché européen ?
La gestion de la paie en France est, par exemple, un processus complexe. Une gestion de paie en mode SaaS (Software-as-a-Service) ou BPaaS (Business-Process-as-a-Service) avec des données localisées en France permettrait de se démarquer.
Pour l’heure, en l’attente de plus d’informations sur leurs offres, il est prématuré de dire si Numergy et Cloudwatt pourront bousculer voire électriser un marché où de nombreux concurrents sont déjà positionnés.
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