Tribune prospective : « Voiture autonome : enjeux pour l’assurance » (Assu 2000)
Comment faire évoluer le système des assurance auto à l’heure des voitures connectées ? Tribune de Nicolas Sailly, directeur Digital, Marketing & Communication du réseau de courtage Assu 2000.
Tous les grands constructeurs automobiles et les grands noms de la high-tech planchent sur la voiture de demain, que ce soit Google, Tesla, Mercedes, Ford et même Apple. Celle qui mise sur la technologie pour pallier les erreurs humaines, et ainsi rendre plus sûres les routes du futur.
Mais parmi les questionnements qui accompagnent l’émergence de cette tendance figure le problème de l’assurance : comment assurer ces catégories de véhicules ? Qui est responsable en cas d’incident ? Les compagnies d’assurance doivent-elles s’inquiéter ou se féliciter de l’arrivée des voitures autonomes ?
Un projet attendu pour 2040
Les experts estiment que la voiture autonome arrivera à maturité en 2040. La technologie, l’environnement et bien sûr le cadre légal seront alors au point pour une adoption généralisée de ces véhicules, capables de se déplacer d’un point à un autre sans intervention humaine et en toute sécurité.
D’ici là, le chemin à parcourir est long et semé d’embûches. Si personne ne doute de la capacité des constructeurs à mettre au point des prototypes de voitures autonomes, nos routes ne sont, par exemple, pas encore adaptées à de tels engins.
Un assouplissement du cadre légal
La législation sur le sujet de la voiture autonome vient enfin d’être assouplie. Depuis le 23 mars 2016, la Commission Européenne des Nations Unies (UNECE) a statué : « les systèmes de conduite automatisée seront explicitement autorisés sur les routes, à condition qu’ils soient conformes aux règlements des Nations Unies sur les véhicules ou qu’ils puissent être contrôlés voire désactivés par le conducteur. »
Et en France ?
Un article de la loi de transition énergétique – promulguée en août 2015 – autorise le gouvernement à adapter la législation « afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite » et ce « à des fins expérimentales ».
Nous n’en sommes donc qu’au stade de l’expérimentation, mais il faut d’ores et déjà se poser la question de l’assurance. Qui doit être responsable ? Le conducteur qui ne conduit plus ? Le véhicule, et donc le constructeur ? Ou encore le concepteur du logiciel de conduite automatique, si celui-ci diffère du constructeur du véhicule ? Sur ce point, tout est à construire. Et à légiférer.
La technologie au service de l’humain
L’idée de départ de la voiture autonome n’est pas de priver l’humain de certaines de ses fonctions, mais bien de le supplanter afin d’accroître sa sécurité et son confort. La particularité de l’intelligence artificielle est d’apprendre de ses erreurs. Une voiture autonome qui parcourra une route pour la toute première fois analysera tout l’environnement, les risques et les éventuels accidents à anticiper.
Et en cas d’incident, elle sera capable d’analyser la cause de l’incident – mauvaise appréciation d’une distance, d’une vitesse ou élément externe mal anticipé -avec l’objectif de ne pas répéter ces erreurs lors d’un éventuel deuxième passage.
La cause la plus fréquente d’accidents ? L’habitude.
73% des accidents de la route se déroulent sur le réseau de proximité, essentiellement composé de routes départementales.
Pourquoi ? L’humain s’habitue, il est en totale confiance sur son trajet et sa vigilance s’amenuise, se reposant trop sur sa connaissance supposée du chemin emprunté quotidiennement.
L’humain n’est pas sur un apprentissage continu. La voiture autonome, si.
La balle est dans le camp des constructeurs…
La voiture autonome est d’abord le fait des constructeurs. Ce sont eux qui impulsent, les uns après les autres, cette tendance. Ce sont eux qui pensent chaque composant ainsi que l’intelligence artificielle qui “dirige” le véhicule.
La responsabilité première de la trajectoire, du comportement et des réactions de l’engin durant un trajet leur revient donc, du moins de prime abord.
Il faut donc qu’assureurs et constructeurs planchent, main dans la main et dès aujourd’hui, à la façon d’assurer ces véhicules du futur.
…mais le secteur de l’assurance doit déjà se réinventer
La voiture autonome, c’est de l’informatique, plus précis et doté d’une marge d’erreurs moindre. Et qui dit moins d’erreurs dit moins d’accidents. Qui dit moins de sinistres dit, pour l’assureur, une diminution des primes d’assurances.
Mais le secteur de l’assurance serait-il réellement perdant dans l’optique de la démocratisation des voitures autonomes ? Pas nécessairement.
Le revenu global de l’assureur risque certes de diminuer mais avec la chute des accidents, ses frais (prise en charge, dépannage, remboursement, etc.) seront également en forte baisse. On peut donc imaginer un nouvel équilibre – moins de primes mais moins de frais – dans lequel l’assureur pourrait continuer à exister.
Mais cela ne suffira certainement pas. Le rôle d’un assureur est de couvrir l’être humain derrière le volant de chaque véhicule. Mais alors, si ce n’est plus l’humain qui est responsable de la conduite de son véhicule, comment l’assurer ?
Faut-il imaginer un système d’assurance à double niveau dans le cadre de la voiture autonome ? Une assurance pour le conducteur, une autre pour le véhicule ?
L’émergence de la voiture autonome pourrait simplifier le travail des assurances : il est plus facile d’anticiper voire de corriger une erreur informatique car celle-ci est moins aléatoire. Mais le monde de l’assurance n’est pas encore au point sur ce sujet. Et il ne faut pas attendre que la tendance se concrétise pour imaginer le futur de l’assurance.
Une tribune de Nicolas Sailly, Directeur Digital, Marketing & Communication du réseau de courtage Assu 2000.
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