Longtemps, je me suis comportée au bureau comme un homme, ou plutôt comme je pensais que devait se comporter un homme.
Je me suis trompée : j’ai cru qu’il fallait imiter les codes masculins pour être reconnue dans le monde d’une entreprise dirigée majoritairement par des hommes. Je me suis habillée, affirmée, exprimée comme je pensais qu’un homme devait le faire.
Un jour, j’ai découvert que ma différence pouvait être une chance et je l’ai laissée s’exprimer. Depuis, je crois même avoir atteint mes meilleures performances en me comportant telle que je suis et non plus telle que je pensais devoir être.
Ma situation n’est ni unique ni originale, bien au contraire. La conformité, le respect de codes non écrits, sont autant de freins qui empêchent l’expression des personnalités.
Alors que l’Entreprise prône la diversité, l’intrapreneuriat, l’initiative, elle demeure, encore trop souvent, un lieu de formatage volontaire, lointaine dérivée de la servitude volontaire chère à La Boétie.
Inconsciemment ou pas, nous tendons à refléter notre environnement, à copier les comportements de tel manager ou de tel patron, à sur-jouer des rôles qui ne sont pas les nôtres. Au risque de gommer nos talents réels au détriment de performances fantasmées.
Ces fameux talents sont si rares qu’ils sont, paraît-il, l’objet d’une guerre entre des entreprises qui se les arrachent.
Mais comment imaginer que ces talents s’expriment ou s’épanouissent en forçant chacun (et surtout chacune) à rentrer dans une norme et un stéréotype, le plus souvent masculin et catégorique ?
Bien sûr, aucun dirigeant, aucun manager ne revendique ouvertement cette exigence malsaine. Le mal est plus subtil, plus insidieux. Il se glisse dans des situations banales et quotidiennes qui imposent petit à petit des stéréotypes éculés.
Quoi de plus « normal », ou plutôt « normé », que de penser qu’une femme qui va chercher son enfant à la crèche, au lieu de participer à une réunion, est moins concentrée sur son travail et manque d’ambition.
Parallèlement, l’homme qui s’occupe de ses enfants peut-être vu comme un super papa capable de concilier toutes ses responsabilités professionnelles, personnelles et familiales. Une qualité et un talent à promouvoir d’urgence ! Comment lutter contre cette idée reçue ?
Sauf à se moquer également des deux situations, je crois qu’il faut bannir toute remarque, sur le sujet et remettre du rationnel dans le management de ces situations.
Le talent, la compétence, l’engagement, la créativité ont-ils quoi que ce soit à voir avec cet épisode ? Non, à l’évidence.
Pourquoi, lorsqu’un poste est à pourvoir et qu’un homme et une femme sont en lice, nous sentons-nous obligés d’examiner plus en détail la candidature de l’une alors qu’une analyse superficielle de l’un semble suffire ? Pourquoi faut-il s’inquiéter de l’âge de l’une, de sa situation familiale et s’en tenir aux seules qualités professionnelles de l’autre ?
Ici aussi, la solution est affaire d’autorité et d’objectivité. Les critères à examiner doivent être identiques, tout comme la rémunération potentielle. Examinons donc les qualités professionnelles des deux.
Peut-être faut-il même associer deux managers, une femme et un homme, pour décider plus sereinement. Et prendre en compte les situations familiales dans l’organisation générale du travail.
Les entreprises ont encore beaucoup à faire en matière de mixité. C’est particulièrement vrai dans les entreprises innovantes qui ont tout à gagner à intégrer plus de femmes pour une plus grande diversité de points de vue, de manières de résoudre les problèmes et donc une meilleure capacité à inventer.
Comme l’indique le dernier rapport McKinsey Women Matter, pour franchir les frontières au partage des responsabilités, c’est sur les cultures d’entreprise qu’il faut activement travailler.
Mesdames, Mesdemoiselles et vous aussi, Messieurs et Mesdamoiseaux, nous avons encore de nombreuses petites victoires à remporter sur notre bêtise.
Soyons créatifs : pour innover, embauchons des femmes en leur permettant de se comporter comme telles !
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