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TVA sur les échanges de bitcoins : pourquoi c’est non pour l’Europe

Les opérations de change de la devise virtuelle bitcoin contre des devises traditionnelles ne sauraient être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.

C’est la décision rendue ce jeudi 22 octobre 2015 par la 5e chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans la lignée des recommandations émises au mois de juillet par l’avocate générale Juliane Kokott.

Pour saisir les subtilités de ce dossier, il faut remonter à son origine. En l’occurrence, une demande de décision préjudicielle introduite le 27 mai 2014 par la Cour administrative suprême de Suède et parvenue le 2 juin 2014 à la CJUE.

Cette demande portait sur l’interprétation des articles 2 et 135 de la directive européenne 2006/112/CE relative au système commun de TVA. Elle avait été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Skatterverket (administration fiscale suédoise) à M. Hedqvist au sujet d’un avis préalable donné par la commission nationale de droit fiscal.

Celle-ci avait, dans un avis rendu le 14 octobre 2013, répondu à la requête de M. Hedqvist, qui souhaitait se livrer à l’échange de bitcoins contre des devises traditionnelles. Elle avait considéré que ces transactions devaient être exonérés de taxe sur la valeur ajoutée. Un verdict contesté devant la Cour administrative suprême par le Skatterverket.

Que dit la loi ?

Sur quel cadre juridique s’appuyer ? Aux termes de l’article 2 de la directive 2006/112/CE, sont soumises à la TVA « les livraisons de biens [et] les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

Par « livraison de biens », il est entendu le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire. Tout opération qui ne constitue pas une « livraison de biens » relève de la « prestation de services ».

L’article 135 de cette même directive détaille les opérations que les États doivent exonérer de TVA. En l’occurrence, celles qui concernent les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances.

Mais aussi celles qui portent sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux. Ainsi que celles relatives aux actions, aux parts de sociétés ou d’associations, ainsi qu’aux obligations et autres titres.

Les dispositions du droit suédois (loi 1944:200) sont similaires : sont exonérées les livraisons de billets de banque et de pièces de monnaie qui constituent des moyens de paiement légaux, les prestations de services bancaires et financiers, ainsi que les opérations de change de valeurs mobilières.

L’exception bitcoin ?

Le cas du bitcoin est particulier, notamment parce qu’il n’a pas d’émetteur unique, étant directement créé au sein d’un réseau par le biais d’un algorithme spécial.

La Cour administrative suprême a fondé son analyse sur un rapport de 2012 dans lequel la Banque centrale européenne définit les devises virtuelles comme des « monnaies numériques non réglementées […], acceptées par les membres d’une communauté virtuelle spécifiques ».

Elle est d’avis qu’il pourrait être déduit de l’arrêt First National Bank of Chicago (C-172/96, EU:C:1998:354) que les opérations de change d’une devise virtuelle contre une devise traditionnelle, et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge entre le prix d’achat payé par l’opérateur et le prix de vente pratiqué par celui-ci constituent des prestations de services effectuées à titre onéreux.

Dans une telle hypothèse se pose la question de savoir si ces opérations relèvent de l’une des exonérations prévues à l’article 135 de la directive 2006/112/CE. Dans le doute, la Cour administrative suprême a sollicité la CJUE sous la forme de deux questions préjudicielles.

La première portait sur la prestation de services. Celle-ci n’est effectuée « à titre onéreux » que s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue par l’assujetti.

Le CJUE a considéré qu’un tel lien avait était établi dans le cas de M. Hedqvist : il existe, entre le prestataire et le bénéficiaire, un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effectif du service fourni au bénéficiaire.

La lettre et l’esprit

Deuxième question qui découle de la réponse affirmative apportée à la première : faut-il soumettre le bitcoin à la TVA ?

La crypto-monnaie étant un moyen de paiement contractuel, elle ne saurait être regardée ni comme un compte courant, ni comme un dépôt de fonds, un paiement ou un virement. Et à la différence des créances, des chèques et des autres effets de commerce visés à l’article 135 de la directive 2006/112/CE, elle constitue un moyen de règlement direct entre les opérateurs qui l’acceptent.

L’article 135 pose toutefois problème : les différentes versions linguistiques des dispositions inscrites au paragraphe 1, sous e), « ne permettent pas de déterminer sans ambiguïté si cette disposition s’applique aux seules opérations portant sur les devises traditionnelles ou bien si elle vise aussi les opérations impliquant une autre devise ».

Conséquence : il faut interpréter la disposition « à la lumière du contexte dans lequel elle s’inscrit ». En l’occurrence, comme ne portant pas seulement sur les devises traditionnelles, ce qui reviendrait à « la priver d’une partie de ses effets » (point 51 du jugement).

L’affaire est renvoyée vers la Cour administrative suprême, qui doit désormais statuer sur les dépens.

Crédit photo : g0d4ather – Shutterstock.com

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