Uber n’est pas passé loin d’une exclusion de l’App Store.
C’est l’un des enseignements à tirer d’un focus que le New York Times consacre à l’entreprise américaine, sur la base d’une cinquantaine de témoignages recueillis notamment auprès d’ex-employés et d’anciens investisseurs.
L’idée avait germé en 2014, dans un contexte de fraude, entre autres en Chine : des chauffeurs achetaient des iPhone volés. Ils les utilisaient pour créer des comptes passagers, réserver des courses… et les accepter en leur nom.
Pour mettre un terme à cette pratique, Uber avait développé du code permettant, sur le principe du « fingerprinting », de pister des terminaux même après réinitialisation.
Un tel procédé allant à l’encontre des règles édictées sur l’App Store en matière de respect de la vie privée, il avait été décidé de masquer la supercherie aux yeux des employés d’Apple. Ainsi le siège social de la firme, à Cupertino, avait-il été « isolé » pour ne pas que le code répréhensible y soit détectable.
Le personnel concerné s’était rapidement rendu compte de l’escroquerie. À la suite de quoi Tim Cook, le successeur de Steve Jobs à la tête d’Apple, avait convoqué Travis Kalanick, son homologue chez Uber. Face aux menaces d’éviction du magasin d’applications de l’iPhone, l’intéressé avait accepté de mettre un terme à la pratique incriminée.
Le milliardaire Mark Cuban, avec qui le New York Times a pu s’entretenir, l’affirme : Travis Kalanick ne recule devant rien pour atteindre ses objectifs. C’est sa plus grande force et aussi sa plus grande faiblesse.
Décrit par beaucoup comme un homme sans compassion, le dirigeant a récemment reconnu que sa personnalité n’était pas étrangère à la situation délicate dans laquelle se trouve aujourd’hui Uber, entre affaires de sexisme, combats judiciaires et départs en série. Des mesures ont été annoncées en conséquence, dont la recherche d’un bras droit et une enquête interne sur la culture de l’entreprise.
Dès la fin des années 90, alors qu’il était encore à l’université, Travis Kalanick s’était lancé dans une initiative entrepreneuriale, avec Scour, une plate-forme de partage de fichiers proche de Napster. En l’an 2000, la start-up avait fait faillite, poursuivie en justice pour infraction aux lois copyright.
Dans la continuité de Scour, il y a eu Red Swoosh, pour le transfert de gros fichiers. Ayant évité de justesse la faillite en recourant à des moyens potentiellement illégaux, Travis Kalanick avait finalement vendu son affaire à Akamai en 2007, pour quelque 20 millions de dollars.
Puis vint l’époque Uber, marquée par une expansion agressive, parfois au mépris de la loi, comme en ont décidé certaines juridictions.
Travis Kalanick s’est aussi rapproché des stars du show-biz, dont certaines, à l’image d’Edward Norton et de Leonardo DiCaprio, sont entrés au capital d’Uber. Des négociations – sans lendemain – ont même été menées avec Oprah Winfrey pour qu’elle rejoigne le board.
Allé jusqu’à proposer de devenir un citoyen indien pour étendre l’activité de sa société sur ce marché, le dirigeant a aussi encouragé des démarches visant à mettre la pression sur les pouvoirs publics. Par exemple en demandant à ses employés de développer une plate-forme de lobbying citoyen ou des scripts votant automatiquement pour Uber dans des sondages municipaux.
Crédit photo : Uber
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