L’activité d’Uber relève-t-elle, au sens de la loi communautaire, d’un « service électronique d’intermédiaire » ou d’une société de transport ?
La Cour de justice de l’Union européenne avait reçu, en 2015, une demande de décision préjudicielle abordant cette question. Le tribunal de commerce no 3 de Barcelone l’avait sollicitée dans le cadre d’un dossier ouvert sur plainte d’une association professionnelle de taxis contre la filiale Uber Systems Spain SL, accusée de bénéficier d’avantages concurrentiels indus.
Le tribunal de grande instance de Lille avait présenté, le 6 juin 2016, une requête similaire à l’occasion d’une procédure pénale à l’encontre d’Uber France SAS.
Dans cette affaire répertoriée C-320/16, l’audience a eu lieu lundi 24 avril 2017.
Avocat d’Uber, Me. Hugues Calvet a fait le parallèle avec le fonctionnement de Booking.com (« qui ne fournit pas les chambres ») et réaffirmé qu’en gérant des moyens informatiques permettant à des personnes d’entrer en relation, son client fournissait exclusivement un « service électronique d’intermédiaire ».
En toile de fond, la « loi Thévenoud » du 1er octobre 2014.
Destiné à apaiser les tensions concurrentielles entre taxis et VTC, le texte introduit, dans le Code des transports, un article L. 3124-13 qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende l’organisation illégale d’un système de mise en relation de chauffeurs et de passagers.
Dans le cas où Uber fournirait un « service électronique d’intermédiaire », celui-ci relèverait de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 sur « les biens et les services de la société de l’information » (c’est-à-dire l’économie numérique).
Vouée à éviter que des États adoptent des réglementations susceptibles de porter atteinte aux échanges, cette directive établit, en son article 8, une procédure d’information préalable de la Commission européenne pour toute « règle technique nouvelle, non implicite » relative à un ou plusieurs de ces « services de la société de l’information ».
La loi Thévenoud n’a pas fait l’objet d’une telle démarche de notification formelle.
Du côté du tribunal de grande instance de Lille, on cherche à déterminer si, à cet égard, il y a vice de procédure. Ainsi la CJUE est-elle appelée à préciser si l’article incriminé entre bien dans le champ de la directive 98/34/CE… ou s’il ressort de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2016 relative aux services dans le marché intérieur et dont l’article 2, paragraphe 2, sous d) exclut les transports.
Uber avait porté le fer contre la loi Thévenoud avant même son entrée en vigueur le 1er janvier 2015, estimant qu’elle enfreignait plusieurs principes du droit européen (libre prestation de services, liberté d’établissement) et divers points de la Charte des droits fondamentaux.
Bruxelles a raisonné dans le même sens, en s’appuyant notamment sur une décision rendue le 9 mars 2016 par le Conseil d’État.
La plus haute juridiction administrative de France avait donné raison à plusieurs sociétés (dont Uber) qui contestaient une interdiction imposée par l’un des décrets d’application de la loi Thévenoud. En l’occurrence, l’interdiction, pour les personnes non titulaires d’une autorisation de stationnement, d’informer un client, avant la réservation et quel que soit le moyen utilisé, de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule.
Les Sages ont considéré que ces mesures, destinées à laisser aux taxis le privilège de la « maraude électronique », étaient entachées d’un vice de procédure, précisément parce qu’elles n’avaient pas fait l’objet de la procédure d’information préalable.
L’avocat général à la CJUE doit rendre ses conclusions le 4 juillet prochain.
On surveillera, en parallèle, l’évolution du dossier renvoyé par la justice espagnole. Cette dernière est allée plus loin en demandant, entre autres, si, dans l’éventualité où Uber fournirait un « service électronique d’intermédiaire », il devrait bénéficier du principe de libre prestation des services garanti par le droit de l’Union (article 56 du traité sur le fonctionnement de l’UE).
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