Uber est prêt à payer cher pour que ses chauffeurs n’aient pas le statut de salariés.
La firme a débloqué 100 millions de dollars pour solder un contentieux touchant à cette problématique.
À l’intersection de deux plaintes déposées dans le Massachusetts et en Californie par des chauffeurs qui exigeaient d’être reconnus comme employés, le dossier avait tourné au recours collectif.
Un procès devait s’ouvrir le 20 juin 2016 à San Francisco.
Son issue aurait pu obliger Uber et d’autres exploitants de VTC à revoir leur mode de fonctionnement : en tant que salariés, les chauffeurs auraient eu droit, entre autres, à une couverture maladie et à un remboursement des dépenses associées à leur véhicule (carburant, contrôle technique…).
Ce ne sera pas le cas… tout du moins pour le moment, comme le souligne Shannon Liss-Riordan.
Reconnaissant, auprès de Reuters, que « ce dénouement en décevra certains », l’avocate des plaignants assure que rien dans la présente décision n’empêche la constitution d’une procédure similaire devant d’autres juridictions.
Elle affirme par ailleurs que la négociation à l’amiable était la meilleure solution, tout particulièrement du fait qu’une cour d’appel pour le circuit fédéral américain venait d’accepter de réexaminer le statut de la class action.
Sur les 100 millions d’euros, 84 millions sont acquis aux parties prenantes de ce recours collectif. Pour le reste, il faudra sortir les calculettes : Uber s’engage à payer si, dans les 12 mois suivant une éventuelle IPO, sa valorisation atteint aux moins deux fois et demie celle affichée depuis le tour de table institutionnel réalisé décembre 2015 (62, 5 milliards de dollars).
C’est plus clair concernant les autres engagements prises par la société de Travis Kalanick.
En premier lieu, la mise en place d’une « politique de radiation » offrant aux chauffeurs davantage d’éléments sur les raisons qui peuvent conduire à leur éviction, permanente ou temporaire, de la plate-forme.
Dans cette lignée, Uber assure qu’il ne désactivera plus les comptes des chauffeurs qui refusent régulièrement des courses, à une condition : qu’ils pensent à fermer l’application.
« Cela dégrade la qualité de service, mais nous comprenons que les chauffeurs aient besoin de faire des pauses – parfois, face à des événements inattendus, comme un enfant qui tombe malade à l’école », explique Travis Kalanick dans une contribution blog.
Le dirigeant a également accepter d’aider à la création, en Californie et dans le Massachusetts, d’associations de chauffeurs qui fonctionneront comme des syndicats, sans toutefois en avoir le statut. Des réunions trimestrielles seront organisées.
Et de rappeler, au passage, que près de 90 % des chauffeurs aux États-Unis (ils sont 450 000 actifs par mois) disent choisir Uber justement pour être leur propre patron. « [Ils] accordent beaucoup d’importance à cette indépendance, la liberté d’appuyer sur un bouton plutôt que sur une pointeuse, d’utiliser simultanément Uber et Lyft, de conduire toute la semaine ou juste quelques heures ».
Ce sont précisément ces horaires flexibles et non imposés qui font des chauffeurs des entrepreneurs indépendants et non des salariés… dans la logique d’Uber.
La ville de San Francisco a pris acte de cette position et a décidé de la retourner à son avantage en imposant aux VTC qui travaillent plus de 7 jours par an d’obtenir un permis professionnel : s’ils sont indépendants, alors il leur faut s’enregistrer comme tels, moyennant une contribution de 91 dollars par an (voir notre article « San Francisco resserre l’étau sur Uber… et sur l’économie collaborative ? »).
Crédit photo (Travis Kalanick, CEO d’Uber) : GongTo – Shutterstock.com
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