La semaine passée, Uber annonçait, dans le cadre du processus de « médiation VTC » engagé par le gouvernement, son intention de mettre en place « un dispositif financier, technique et humain d’envergure » pour remédier aux problèmes des chauffeurs en difficulté.
Il était question de définir les contours dudit dispositif dans un délai de quelques jours.
Des précisions ont effectivement été apportées au médiateur Jacques Rapoport, qui en a rendu compte ce mardi, en amont d’une réunion organisée au ministère de l’Environnement en présence des organisations de chauffeurs (Actif-VTC, AMT, CAPA VTC, SCP-VTC, UDCF et Unsa-VTC).
Ces dernières se sont « mises d’accord sur des conditions devant encadrer l’action proposée par Uber ». Notamment la commission que l’entreprise venue de Californie se propose de constituer pour offrir une voie de recours aux chauffeurs qui jugent abusive leur déconnexion temporaire ou définitive de la plate-forme.
Sur ce point subsistent des divergences. Alors que les organisations de chauffeurs veulent pouvoir choisir qui les représentera au sein de cette commission, Uber estime que seul un tirage au sort garantirait une véritable représentativité de ses conducteurs.
Selon les propos rapportés par Jacques Rapoport, les principaux dirigeants d’Uber France veulent éviter de « se retrouver autour de la table de personnes à leurs yeux coupables de déprédations ou d’agressions » – en référence aux violences qui ont émaillé les manifestations des VTC au cours de l’année 2016.
Considérant que c’est bien aux organisations que doit revenir le choix, le médiateur précise que les pouvoirs publics déterminent actuellement les règles de représentativité qui seront retenues dans le secteur des activités indépendantes connectées à des plates-formes numériques d’intermédiation.
Les propositions d’Uber se substituent au fonds de 2 millions d’euros créé en décembre et que les chauffeurs n’avaient pas trouvé adapté à l’ampleur de leurs difficultés. D’après Les Échos, elles comportent, à défaut d’une promesse d’augmenter les tarifs et de baisser le taux de commission de 25 % sur chaque course, un engagement sur un chiffre d’affaires minimum.
Les chauffeurs connectés à la plate-forme 50 heures ou plus par semaine et qui n’atteindraient pas 4 200 euros de revenus par mois se verraient verser la différence par Uber.
Il s’agit là d’une rémunération brute, au sens où il faut déduire les dépenses : achat ou location du véhicule, entretien, garage, carburant, assurances… Des charges qui, selon les estimations de Jacques Rapoport, s’élèveraient à 2 300 euros par mois pour un capacitaire LOTI et à 2 000 euros pour un VTC indépendant, sachant qu’il faut ajouter, pour ces derniers, le RSI.
C’est sans compter l’augmentation des charges variables qu’induit, toujours d’après le médiateur, l’augmentation de la durée d’activité provoquée par la multiplication des petites courses à petit prix.
Uber se donnerait justement l’objectif à terme d’accompagner les chauffeurs en difficulté dans la réduction de leurs charges, à travers un dispositif d’aide que superviserait une commission là aussi composée pour partie de représentants des conducteurs.
Pour Uber, il s’agit d’éviter l’intervention du législateur, auquel il reviendra, selon Jacques Rapoport, « d’instituer une rémunération minimale due par les plates-formes aux chauffeurs » si aucun compromis n’est trouvé.
Du côté des organisations de chauffeurs, on maintient, tout du moins en façade, un discours offensif. Invité, ce dimanche, de l’émission C Politique sur France 5, Sayah Baaroun, du SCP-VTC, affirme que toutes charges déduites, il reste en moyenne « entre 700 et 1 700 euros » à la fin du mois pour 60 heures hebdomadaires sur les principales plates-formes ouvertes en France.
« Vous les gavez de primes, de garanties de chiffre d’affaires, etc. et dès que vous avez fait suffisamment de publicité sur les réseaux, via les médias, pour dire que […] c’est l’eldorado, tous les vendeurs de pioches arrivent et c’est eux qui gagnent leur vie, mais jamais les chauffeurs », explique l’intéressé à propos de la notion d’ubérisation.
Le reportage diffusé en amont de l’interview* laisse suggérer, par le biais d’une caméra cachée au centre d’accueil qu’Uber a installé à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), que le processus de contrôle des documents à fournir pour devenir chauffeur n’est pas très poussé – un journaliste se fait « enrôler » en présentant des copies de papiers falsifiés.
* La parole est également donnée à un chauffeur qui dit toucher 1000 euros net par mois pour 50 heures de travail par semaine. « Au début, on nous garantissait un chiffre d’affaires pour rester sur le terrain », reconnaît-il en déplorant l’augmentation des taux de commission d’Uber et la baisse du tarif minimum de la course, passé de 8 à 5 euros.
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