Le compte à rebours est enclenché. Ce vendredi 3 juillet à 20 h, le service UberPOP sera suspendu en France.
Thibaud Simphal, qui dirige l’activité d’Uber dans l’Hexagone, a communiqué l’information au Monde.
C’est seulement la deuxième fois que l’entreprise américaine renonce à exploiter l’une de ses offres sans y avoir été contrainte par la justice – le premier cas concernait UberX dans la ville de Portland (Oregon).
Comment expliquer cette volte-face alors qu’Uber menait un combat juridique et judiciaire acharné au nom de la liberté d’entreprendre ? A en croire Thibaud Simphal, il en va de la sécurité des chauffeurs, « victimes d’actes de violence des derniers jours ».
La température est effectivement montée d’un cran depuis le jeudi 25 juin et cette mobilisation musclée des taxis qui avait résonné jusqu’à Matignon. Ils étaient plusieurs milliers à manifester dans tout la France pour dénoncer la « concurrence déloyale » d’UberPOP, qui met en relation des passagers et des chauffeurs non professionnels assurant le transport avec leur propre véhicule.
Dans le cadre de ce mouvement, Yann Ricordel, directeur général de la société Les Taxis Bleus, en avait appelé « à la responsabilité des dirigeants d’Uber pour que le service soit gelé en attente de la décision finale du tribunal ». Celle-ci doit intervenir en septembre : la cour d’appel de Paris rendra un jugement sur la légalité d’UberPOP au regard de la loi Thévenoud destinée à réglementer l’équilibre concurrentiel taxis-VTC.
Face à la montée de violence, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait demandé au Préfet de Paris d’interdire UberPOP. Le lendemain, le président de la République François Hollande avait demandé, en marge d’un sommet européen à Bruxelles, qu’UberPOP soit « dissous » et « déclaré illégal ».
Trois jours plus tard, le 29 juin, les deux patrons d’Uber pour l’Europe de l’Ouest (Pierre-Dimitri Gore-Coty) et la France (Thibaud Simphal) étaient placés en garde à vue. Avant d’être déférés au Parquet le lendemain dans la matinée.
Quelques heures plus tard, on apprenait qu’ils seraient jugés devant un tribunal correctionnel, avec une première audience le 30 septembre. Ils devront répondre, non seulement en tant que représentants d’Uber, mais aussi en engageant leur responsabilité individuelle, de six chefs d’accusation, parmi lesquels « pratique commerciale douteuse », « complicité par instigation et fourniture de moyens d’exercice illégal de l’activité d’exploitant-taxi » et « organisation illégale d’un système de mise en relation de clients ».
Dans l’immédiat, Uber préfère suspendre le service incriminé, dans un « esprit de dialogue avec les pouvoirs publics ». Tout en s’en remettant, sur le fond, à la décision du Conseil constitutionnel attendue pour septembre.
Cette décision reste surprenante au regard de la ténacité dont l’entreprise californienne avait fait preuve jusque-là, ignorant les menaces et les irrégularités dénoncées. Notamment sur la situation des chauffeurs UberPOP, qui ne paient ni cotisations sociales, ni impôts, ne sont pas assurés professionnellement et n’ont aucun agrément.
Thibaud Simphal précise que la suspension du service n’est pas liée à l’action de police de ces derniers jours. « Tout ce bruit a plutôt fait de la publicité pour la plate-forme », qui compte officiellement près de 10 000 conducteurs occasionnels, pour 400 000 utilisateurs.
Que vont devenir ces chauffeurs ? « Nous allons les aider », assure Thibaud Simphal, tout en précisant que « 87 % ont une autre activité à côté ». Pour remettre ces conducteurs sur la route, « on va les aider dans la course d’obstacles pour devenir VTC. Parce que les faits démontrent que la réglementation ne fonctionne absolument pas ».
Réaffirmant sa volonté de coopération avec les pouvoirs publics, Uber les exhorte à «[voir] une complémentarité, plutôt qu’une concurrence, entre les différents modes de transport », à l’heure où « plusieurs milliers [de personnes] attendent en vain leur carte [de VTC] ».
Thibaud Simphal estime que la balle est dans le camp du gouvernement. Il propose de rapprocher le régime français de celui de Londres (80 000 VTC et 30 000 taxis dans la capitale britannique, contre respectivement 10 000 et 17 700 à Paris). Tout en n’exigeant plus « une formation en nombre d’heures [il en faut 250 actuellement, ndlr], mais des compétences validées par examen ».
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