Petite devinette : quel est le seul acteur Internet qui a osé proposer une conférence de presse majeure un 11 septembre, alors que tout le monde a dans la tête les commémorations des attentats terroristes sur le sol américain en 2001 ? C’est Free. Le rapprochement entre ces deux actualités peut paraître déplacé, on peut en convenir. Néanmoins, cela prouve l’extraordinaire confiance de Free (et sa maison-mère Iliad) et dans le monde des télécoms en général et dans ses projets ultra haut débit en particulier.
Cette volonté de rupture, c’est le credo de Xavier Niel qui dispose de multiples casquettes : à la fois Directeur général délégué d’Iliad et premier actionnaire du groupe (il détient 66% du capital), il est surtout le stratège visionnaire qui a su transformer ses idées de multi play en un projet industriel avec la Freebox.
Ainsi, Free a des projets dans la fibre optique à domicile (FTTH ou Fiber to the home). Est-ce si surprenant ? Certes, le projet Freebox Optique a mis du temps à émerger. Des mouvements précurseurs sont apparus dans l’ultra haut débit dans la érgion parisienne. Noos-UPC lance ses premières expérimentations liées à la fibre optique à domicile (voir édition du 19 octobre 2005). Des nouveaux entrants comme CitéFibre (voir édition du 30 novembre 2005) et Erenis (voir édition du 22 juin 2006) dans une moindre mesure ont pris position. Même France Télécom a lancé une phase d’expérimentation FTTH (voir édition du 17 janvier 2006). Côté initiatives publiques, la Ville de Paris (voir édition du 4 juillet 2006) et les Hauts-de-Seine (voir édition du 5 avril 2006) qui montent chacun de leur côté des programmes de déploiement de fibre.
Mais, contrairement au lancement de l’ADSL 2+ survenu dans le courant de l’automne 2005 qui avait été une course contre la montre (voir édition du 8 décembre 2004), Free a préféré prendre son temps avant d’abattre ses cartes dans la fibre. Aux yeux des dirigeants de Free, la fibre optique à domicile constitue le socle de son fameux projet Armageddon qu’il reste à concrétiser. En mars 2005, à l’occasion d’une session de chat, Michaël Boukobza, Directeur général d’Iliad/Free, avait donné ses contours : « Armageddon consiste simplement en un mariage total du triple play comme cela n’a jamais été fait nulle part dans le monde. C’est nouveau techniquement, c’est nouveau règlementairement, c’est nouveau pour les utilisateurs de la Freebox ». Depuis, le soufflet était redescendu mais la fibre optique redonne de la vigueur à ce projet au nom de code dévastateur.
La fibre, « nécessaire et incontournable »
Quelle est la genèse du projet Freebox Optique ? La aussi, on découvre au fur et à mesure les coulisses. Selon le Journal des Freenautes, Xavier Niel a créé une société baptisée PN (pour Patrimoine Niel) il y a un an en charge d’avancer en toute discrétion sur ce dossier, hors du cadre du groupe Iliad/Free. Dans le courant de l’été, cette structure, disposant d’un effectif d’une vingtaine de personnes, a rejoint le giron du groupe télécoms.
L’interview officielle (fait rare) que Xavier Niel a accordée aux Echos donne des éclairages intéressants sur sa vision dans ce domaine. « La fibre est nécessaire et incontournable (?) elle nous permet d’être totalement indépendant de France Télécom », explique le cofondateur de Free dans l’édition en date du 12 septembre du quotidien économique. « La fibre optique est un investissement qui va prendre au bas mot un demi-siècle », précise-t-il. Sachant que le groupe télécoms compte déjà investir une première enveloppe d’un milliard d’euros au cours des six prochaines années.
Le talon d’Achille de ce genre d’annonce concernant l’ultra haut débit, c’est la question de la rentabilité. Là aussi, Xavier Niel se veut confiant et prévoit un retour sur investissement en quatre ans seulement. Un enthousiasme que la Bourse n’a pas partagé le jour de l’annonce (l’action Iliad avait dévissé de 11,89%) mais reconnaissons qu’il est difficile de stimuler les investisseurs un 11 septembre. On est presque tenté de reprendre la formule de Jean-Marie Messier : « La Bourse a toujours raison mais la Bourse n’a pas raison tous les jours « .
Gageons que, lors de sa migration vers la fibre, Free garde sa faculté de vendre à ses clients des services haut débit connexes payants pour augmenter le revenu moyen par abonné (Arpu). En un an (juin 2005-juin 2006), ce type de services premium est passé de 27,5 millions d’euros à 73,5 millions d’euros dans le compte de résultats du groupe Iliad (voir édition du 7 septembre 2006).
Agressivité des offres commerciales, ouverture des réseaux
Le niveau de tarif que Free souhaite pratiquer pour sa première offre FTTH illustre encore une fois la confiance en soi et sa volonté de rupture avec les autres acteurs télécoms. Proposer la fibre optique à domicile au prix d’une offre d’accès ADSL (environ 30 euros TTC par mois) va naturellement bousculer les plans marketing de tous les acteurs positionnés sur le très haut débit. On donnerait cher pour voir en vidéoconférence la réaction affolée des responsables haut débit de France Télécom réunis en cellule de crise pour trouver la parade à la Freebox Optique.
Outre le pied de nez sur les tarifs grand public, Free en rajoute une couche sur le front réglementaire, plus spécifiquement sur l’ouverture de son réseau en fibre optique à la concurrence. Un sujet qui fait actuellement l’objet d’un contentieux entre les deux parties auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Malgré l’offre de location de fibre optique présentée par France Télécom à la fin du premier trimestre 2006, Free reproche à l’opérateur historique de ne pas honorer le contrat de bonne foi.
L’opérateur alternatif souhaiterait profiter du réseau France Télécom pour relier des noeuds de raccordement d’abonnés isolés (NRAs) plutôt que de réaliser des travaux de génie civil qui seraient redondant. En attendant des facilités d’interconnexion, Iliad/Free vient de confier à Draka Comteq le soin de déployer deux millions de kilomètres de fibre optique en deux ans (voir édition du 12 septembre 2006).
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