Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a en partie débouté, mardi 24 juin, l’UFC-Que choisir face au distributeur Darty. En décembre 2006, l’association de défense des consommateurs avait lancé une procédure judiciaire à l’encontre de l’enseigne d’appareils électroménagers ainsi que d’un magasin Auchan et du fabriquant Hewlett Packard (HP), pour subordination de vente liée (ordinateur et logiciels, Windows essentiellement).
Par la voie judiciaire, l’UFC espérait ainsi créer une jurisprudence qui aurait permis aux consommateurs de choisir éventuellement la configuration logicielle qui accompagne l’ordinateur ou, pour le moins, avoir le choix d’acheter une machine nue (sans système préinstallé). Si la loi le permet*, la possibilité d’en bénéficier en pratique est encore trop rare.
Pour justifier le verdict, les juges, qui ont retenus l’étude de Darty sur la difficulté d’installer Linux, ont estimés que « seuls les professionnels sont en droit de décider de ce qui est bon pour les consommateurs » et que « l’intérêt actuel des consommateurs est encore d’acheter des ordinateurs liés à un système d’exploitation« . Microsoft Windows en l’occurrence même si celui-ci n’est pas nommé.
Une décision surprenante
Une décision « surprenante » pour l’association qui estime a contrario que « le véritable intérêt du consommateur réside dans son pouvoir de choisir entre un ordinateur préinstallé ou un ordinateur nu, sachant que sa préférence est susceptible d’évoluer dans le temps en fonction de ses besoins et des matériels disponibles. » Et Les récentes victoires de particuliers ayant attaqué des constructeurs pour obtenir le remboursement de Windows et des logiciels préinstallés n’ont visiblement pas été considérés par le tribunal.
Néanmoins, le résultat est plus nuancé dans la mesure où Darty n’a pas été condamné à vendre des ordinateurs nus mais « le jugement ne dit nullement que Darty est autorisé à continuer d’imposer l’achat des logiciels avec le matériel« , souligne l’Aful (association francophone des utilisateurs de linux et des logiciels libres). D’ailleurs, le tribunal récuse, toujours selon l’Aful, l’idée selon laquelle logiciels et matériel formeraient un produit unique parce que complémentaires. Sur la base de cette analyse, l’association de consommateur a néanmoins décidé de faire appel de la décision.
Par ailleurs, l’UFC demandait l’affichage des prix distinguant les tarifs du PC de ceux des logiciels. Demande approuvée par le TGI qui a donc condamné Darty à afficher les prix des logiciels préinstallés. Les consommateurs vont donc désormais savoir ce que leur coûte Windows et les divers utilitaires qui accompagnent la machine. « Avec cette prise de conscience enfin possible, les choix et les attentes des consommateurs ne seront plus les mêmes. C’est le début de l’arrivée de la concurrence dans le secteur de la micro-informatique grand public« , commente l’Aful qui ajoute que cette pratique facilitera les demandes de remboursements des « racketiciels« , ces logiciels non désirés et imposés avec le PC.
Une avancée certaine
Un point positif qui n’endort pas la vigilance de l’UFC pour autant. L’association de consommateurs s’interroge sur la mise en pratique de l’affichage des prix face à la difficulté revendiquée par le distributeur de connaître les tarifs détaillés des logiciels installés qui font l’objets d’accords, généralement confidentiels, entre le constructeur du PC et l’éditeur des applications. En conséquence, l’UFC réclame « un contrôle strict de l’exécution du jugement par les pouvoirs publics. »
L’Aful est moins tranchée et voit, dans ce jugement, une avancée certaine. « C’est donc bien toute l’économie de la vente liée, avec son opacité sur les prix, sur la nature des licences qui est remise en cause« , analyse l’association du libre. « Les distributeurs n’auront d’autre choix que de se tourner vers l’optionnalité« , c’est-à-dire permettre aux consommateurs de choisir le système et logiciels de son choix à partir de codes d’activation proposés au démarrage de la machine.
Autre point positif malgré la déception visible de l’UFC, le présent jugement va conforter les revendications des défenseurs du libre lors de la réunion de synthèse prévue le 3 juillet prochain avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Ainsi que dans les deux autres procès attendus contre HP et Auchant Bagnolet. A suivre…
* Article L. 122-1 du Code de la consommation rappelle « [qu’il] est interdit […] de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service où à l’achat d’un produit« .
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