Wanadoo condamné pour abus de position dominante

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Bruxelles n’a pas apprécié la politique de dumping que Wanadoo a exercée au début du lancement des services haut débit. Politique qui visait à interdire le développement de la concurrence, selon la Commission européenne, laquelle a condamné la filiale Internet de France Télécom à 10 millions d’euros d’amende.

Wanadoo Interactive a-t-il abusé de sa position dominante pour faire du dumping sur ses offres ADSL grand public, en vue de restreindre l’entrée de la concurrence sur le marché de l’accès Internet haut débit sur la paire de cuivre ? Oui, selon la Commission européenne. « Depuis la fin de l’année 1999 jusqu’à octobre 2002, Wanadoo, filiale à 72 % de France Télécom, a commercialisé ses services ADSL Wanadoo ADSL et eXtense à des prix inférieurs aux coûts moyens », affirme Bruxelles dans un communiqué. « Il ressort des investigations de la Commission que les prix pratiqués par Wanadoo ont été fortement inférieurs aux coûts variables jusqu’en août 2001, avant de s’établir pour la période suivante approximativement au niveau des coûts variables mais significativement en deçà des coûts complets », concluent les enquêteurs qui ont commencé leur travail en septembre 2001 dans le cadre de l’étude sur le dégroupage de la boucle locale, dont l’ouverture à la concurrence avait été programmée par Bruxelles pour janvier 2000 (voir édition du 29 décembre 1999).

La disparition du fournisseur d’accès ADSL Mangoosta en août 2001 (voir édition du 6 juillet 2001) n’est pas la seule conséquence de la stratégie commerciale de Wanadoo. Elle aurait également empêché l’entrée de nouveaux concurrents. « Le niveau des pertes nécessaires pour concurrencer Wanadoo a exercé un effet dissuasif sur les concurrents. Au terme de la période abusive, aucun concurrent ne dépassait 10 % de part de marché, et le premier concurrent de Wanadoo avait vu sa part de marché se dégrader très fortement », estime la Commission. Autrement dit, les conditions des offres commerciales de Wanadoo ne laissaient aucune chance de développement économique aux concurrents. C’est d’autant plus flagrant qu’entre janvier 2001 et septembre 2002, la part de marché de Wanadoo est passée de 46 % à 72 % alors que la taille du marché a plus que quintuplé au cours de la même période. Une position dominante qui s’est étendue aux câblo-opérateurs, toujours selon les conclusions de l’enquête.

Des risques de récidives

En conséquence, Bruxelles inflige une amende de 10,35 millions d’euros à Wanadoo. Une peine sévère justifiée par des risques de récidives possibles sur ce marché. D’ailleurs, selon les enquêteurs qui rapportent des documents internes à Wanadoo, « l’entreprise envisageait encore au début de 2002 de poursuivre ses ventes à pertes à 2003 et 2004 ». Finalement, le n° 1 des fournisseurs d’accès français a cessé ces pratiques en octobre 2002 avec la baisse de plus de 30 % des tarifs d’interconnexion de France Télécom, effectuée sous la pression de l’Autorité de régulation des télécoms (voir édition du 17 juin 2002) et qui a permis à la concurrence de se développer « puisque le parc d’abonnés à Internet a plus augmenté entre septembre 2002 et mars 2003 (soit sept mois) qu’entre mars 2001 et août 2002 (soit 17 mois) », constate Bruxelles.

Si Wanadoo ne réfute pas catégoriquement les accusations de la Commission européenne, elle cherche à se justifier. « Ce lancement de services nouveaux nécessite une prise de risque importante en matière d’investissement », explique à travers un communiqué la direction du fournisseur d’accès français. « Il suppose aussi d’anticiper les évolutions de coûts, de façon à offrir un service à un tarif acceptable pour la clientèle tout en assurant la rentabilité à moyen terme. » Certes, les investissements imposaient de supporter des pertes, au départ. Mais la Commission souligne que « pendant que Wanadoo subissait des pertes d’une grande ampleur sur les services en cause, France Télécom, qui détenait alors près de 100 % du marché des services ADSL de gros destinés aux fournisseurs d’accès à Internet (dont Wanadoo), prévoyait sur ses propres produits ADSL de gros des bénéfices nets dans des délais rapprochés ». Ce que Wanadoo perdait d’un côté, la maison mère (France Télécom détient 72 % de sa filiale Internet) le récupérait de l’autre. Avec l’espoir de capter un marché d’autant plus prometteur qu’il aurait en partie été vidé de ses concurrents. Par ailleurs, Bruxelles avait informé Wanadoo du caractère tendancieux de ses pratiques dès décembre 2001. Griefs renouvelés en août 2002 mais que la filiale de France Télécom a, apparemment, ignorés. Pour l’heure, Wanadoo affirme qu’elle « va procéder immédiatement à un examen approfondi de cette décision (…) et envisage très sérieusement la possibilité d’exercer un recours ».

Opérateurs historiques sous surveillance

Cette sanction fait suite à celle infligée à Deutsch Telekom le 21 mai dernier. Le groupe allemand avait été condamné à une amende de 12,6 millions d’euros pour avoir abusé de sa position dominante sur le dégroupage de la boucle locale et Bruxelles entend poursuivre ses investigations pour permettre à la concurrence de se développer dans un contexte égalitaire. Deux condamnations qui « traduisent la détermination de la Commission à empêcher des pratiques d’exclusion de la part d’opérateurs historiques sur des marchés stratégiques ». D’autres actions du même type dans d’autres états membres ne sont donc pas à exclure.