A la veille de la Fête de l’Internet, voici un verdict qui tombe mal pour Wanadoo. Dans une décision du 27 février 2002, le Conseil de la concurrence « enjoint France Télécom de suspendre la commercialisation des packs eXtense dans ses agences ». Autrement dit, France Télécom ne pourra plus commercialiser les offres « modem + abonnement ADSL » de sa filiale Wanadoo par l’intermédiaire de ses 750 agences commerciales en France. Cette décision fait suite à une saisine, déposée le 28 novembre 2001 par Club-Internet, marque française du fournisseur d’accès (FAI) T-Online et filiale de Deutsch Telekom. Club-Internet se plaignait que par son réseau d’agences commerciales, « France Télécom avantagerait sa filiale Wanadoo par rapport aux autres fournisseurs d’accès Internet, en proposant le pack eXtense » d’une part, et d’autre part que les délais accordés par l’opérateur historique pour l’obtention d’une ligne ADSL (Netissimo) étaient plus courts pour Wanadoo que pour les FAI concurrents. Club-Internet accuse même France Télécom de lui avoir intentionnellement fait croire que des lignes téléphoniques n’étaient pas éligibles à l’ADSL, notamment à Nîmes, alors qu’en fait elles l’étaient… au bénéfice de Wanadoo.
La suspension de la commercialisation des packs ADSL dans les agences de France Télécom sera maintenue tant que l’opérateur n’aura pas mis en place un serveur d’éligibilité « dans les mêmes conditions d’efficacité que celles accordées à Wanadoo Interactive », précise la décision du Conseil. C’est sur ce serveur qu’est mise à jour la base de données répertoriant toutes les zones du territoire connectable à l’ADSL. Il faut aussi que ce serveur soit agrémenté d’un système de commande, réduisant la dépendance des FAI au bon vouloir de France Télécom. Si le premier service existe depuis décembre 2001 sous la forme d’un extranet, le second nécessitera « au moins cinq semaines », estime Patrick Thielemans, porte-parole de l’opérateur historique.
Pendant 10 jours au moins, les ventes continuent
Chez ce dernier, on se dit « surpris » par la sévérité de la décision. « Sous prétexte que notre serveur d’éligibilité n’offre pas de système de commande de ligne ADSL, on suspend la vente des packs dans nos agences », explique le porte-parole du groupe. Il se défend également de retarder sciemment l’ouverture des lignes pour les offres concurrentes. « Les délais sont variables selon les régions mais pas selon les fournisseurs », explique Patrick Thielemans. Ce n’est apparemment pas l’analyse du Conseil de la concurrence qui estime ce délai moyen à dix jours, « à rapprocher du délai de quatre jours proposé aux utilisateurs du pack eXtense ». L’opérateur ignore encore s’il fera appel de la décision. Il dispose de dix jours après réception de la notification pour se prononcer. Pendant ce temps-là, les offres Netissimo et Wanadoo ADSL (hors pack tout compris) restent commercialisées dans les agences. Wanadoo va également réactiver ses réseaux de distribution auprès des revendeurs spécialisés et des grandes enseignes.
Du côté de Club-Internet, on affiche sa satisfaction. « Cette décision va permettre au consommateur de constater qu’il y a des offres concurrentes à celles de Wanadoo », explique Guillaume Granié, le porte-parole, « tout en mettant l’ensemble des FAI sur le même pied d’égalité que Wanadoo ». Un véritable « électrochoc » pour les acteurs du marché, selon lui. Mais cette victoire « n’est qu’une étape dans l’ouverture du marché à la concurrence ». Les prochains combats se joueront sur la baisse du coût de location des lignes ADSL et le développement de l’accès à la boucle locale pour les opérateurs alternatifs.
L’AFA joue la prudence
Du côté de l’AFA, l’association française des FAI dont Wanadoo et Club-Internet sont membres, « on se réjouit au nom de la concurrence », avance Jean-Christophe Le Tocquin, délégué permanent. Il rappelle que l’association ne peut évidemment pas prendre parti pour l’un de ses membres et que « l’intérêt n’est pas de restreindre l’expansion du marché » tout en se félicitant que la décision « va simplifier la vie des internautes qui veulent un ADSL autre que Wanadoo ».
Pour l’ART, la demande d’interdiction est légitime
De son côté, l’Autorité de régulation des télécoms (ART) « estime que la demande de T-Online est légitime et qu’une telle interdiction pourrait donc être prononcée par le Conseil ». Elle se prononce également sur le tarif de l’utilisation de l’extranet, le service qui permettra de commander la ligne ADSL automatiquement. L’ART va même jusqu’à anticiper. Alors que France Télécom envisage une tarification forfaitaire mensuelle de 1 500 euros, l’Autorité préconise une tarification « intégrée au contrat IP/ADSL actuel, c’est-à-dire sans frais supplémentaires », après évaluation précise du coût de développement de l’outil. « Tant que cette évaluation n’est pas effectuée, il paraît légitime que France Télécom supporte elle-même le coût de cette mesure », déclare l’ART dans son avis. Attendons d’abord que France Télécom ait développé son extranet.
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