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Wayne Rosso (MashBoxx) : « Le secteur P2P tel que nous le connaissons est une industrie morte »

C’est une exclusivité Vnunet. De passage à Paris, Wayne Rosso, PDG de MashBoxx et ancien collaborateur historique de Grokster, société développant une nouvelle plate-forme légale P2P, a effectué une démonstration de ce nouveau service qui vient d’être lancé en bêta-test restreint aux Etats-Unis (voir édition du 10 mai 2005). Elle joue le rôle d’une méta plate-forme P2P en effectuant des recherches sur plusieurs services P2P (MashBoxx peut scanner Gnutella 1 et 2, Limewire, Bearshare et eDonkey 2000).

L’interface se veut légère pour se concentrer sur le principal intérêt : rechercher des titres via un moteur. L’utilisateur peut écouter un extrait du fichier (grâce à un bouton « Play ») puis acheter la chanson (via un bouton « Buy »). S’il est titulaire d’un compte MashBoxx, il est alors connecté à la plate-forme de paiement à l’unité Peppercoins pour finaliser l’achat (99 cents en général). Sur cet achat, MashBoxx se rémunère modestement puisque, après paiement des différents intermédiaires, il lui restera 1 ou 2 cents par fichier acheté.

Pour éviter les litiges avec les majors, MashBoxx fait appel à SnoCap, la start-up fondée par Shawn Fanning qui s’est orientée vers la gestion numérique des fichiers musicaux déployés dans les environnements P2P et qui a signé avec Universal Music et EMI.

Vnunet.com : MashBoxx vient d’être lancé dans une première version bêta aux Etats-Unis. Quand son inauguration officielle aura-t-elle lieu ?

Wayne Rosso : La semaine dernière, nous avons démarré une version bêta avec 2 000 testeurs et nous recrutons au fur et à mesure. Nous espérons lancer une première vraie version bêta plus élargie à partir de la mi-juin. Nous avons ensuite programmé un lancement officiel pour la rentrée de septembre. Une version européenne est-elle déjà prévue ?

Nous y travaillons activement. Après notre démarrage aux Etats-Unis, nous souhaitons ouvrir le plus rapidement possible le service au Royaume-Uni puis en France et en Allemagne, à l’instar de la plate-forme iTunes d’Apple. Mais le problèmes de droits et des copyrights est plus complexe en Europe qu’aux Etats-Unis. Nous faisons des progrès considérables avec les majors aux Etats-Unis. Nous espérons démarrer en Europe d’ici la fin de l’année.

Comment comptez-vous séduire les maisons de disques en Europe ?

Au Royaume-Uni, j’ai effectué une démonstration de MashBoxx à Londres devant des représentants de l’IMPALA (une association qui regroupe des labels indépendants de musique en Europe). Nous souhaitons réellement les impliquer dans notre service. Nous souhaitons recruter des personnes qui représenteraient nos intérêts dans chaque pays dans lequel nous souhaitons nous implanter. C’est très important, particulièrement en Europe, de s’intéresser au répertoire local car c’est une partie non négligeable des ventes de disques. La France est un cas exemplaire en matière de défense de sa culture et les Etats-Unis devraient s’en imprégner.

Quelles sont les conditions préalables ?

Il faut que les labels de musique des différents pays acceptent de confier leur catalogue à SnoCap. C’est un passage obligatoire avant qu’ils nous délivrent des licences d’exploitation adéquates. Je pense qu’il n’existe pas de réels obstacles qui nous empêcheraient de trouver un accord. Mais il est vrai que nous devons prendre le temps d’expliquer nos activités. Hier, toujours à Londres, j’ai également présenté MashBoxx à des membres du BPI (British Phonographic Industry, l’équivalent du Snep en France). A mon avis, les maisons de disques ont vraiment besoin de notre outil mais elles ne comprennent pas toujours comment le réseau P2P fonctionne réellement. Chaque mois, on recense 2,5 milliards de fichiers de musique qui circulent sur les réseaux P2P. Avec MashBoxx, si nous récupérons seulement 1 % de ce trafic, je serais heureux.

Vous sentez-vous en concurrence avec l’iTunes Music Store ?

Non. C’est un système de distribution complètement différent, tout comme le modèle économique. L’un des points qui nous distinguent des plates-formes traditionnelles est justement le P2P, une technologie « cool » qui permet une distribution plus efficace. Alors que des services comme Napster ou iTunes dépensent des millions de dollars pour la publicité afin d’attirer des clients, il suffit d’un logiciel P2P comme MashBoxx pour récupérer de manière naturelle de nouveaux abonnés sans effort de promotion.

En termes de coûts d’acquisition, cela n’a rien à voir. De plus, rien ne nous empêche d’élargir le champs des contenus déjà disponibles sur les réseaux P2P : musique, vidéos, etc. Ils pourraient tous être monétisés sur MashBoxx.

Quelle différence y a-t-il entre MashBoxx et le tout nouveau projet Peer Impact de Wurld Media ?

Peer Impact ressemble plutôt un magasin de téléchargement sur le modèle d’iTunes avec une couche de technologie P2P. Le fait que MashBoxx monétise des contenus sur du P2P est nouveau dans le secteur… Le secteur des logiciels P2P tel nous le connaissons est une industrie morte. Les revenus tirés des adwares et des spywares sombrent. La décision d’Eliot Spitzer, procureur de l’Etat de New York qui a porté plainte contre un éditeur de spywares, est un signal fort. Récemment, CNET, qui exploite le site de téléchargement Download.com, a émis une recommandation selon laquelle il refusait désormais d’héberger des logiciels avec des adwares. Nous nous plaçons dans le business de la recherche sur Internet et ce qui compte, ce n’est pas le produit final, c’est-à-dire les fichiers de musique. Je sais que cela ne fait pas plaisir aux maisons de disques. Mais, le plus important, à l’instar d’un Yahoo, c’est le trafic.

Dans quel état d’esprit êtes-vous en attendant la décision de la Cour Suprême qui doit prochainement trancher sur la légalité des logiciels P2P ? Vous sentez-vous en danger ?

Je suis serein car je suis persuadé que la Cour Suprême n’interdira pas le développement de logiciels P2P. La décision finale sera alignée sur la jurisprudence Beta Max des années 80.

Qui vous soutient dans le projet MashBoxx ? Lors de votre lancement, on a évoqué une prise de participation directe de Sony-BMG…

Nous discutons de ce sujet avec des investisseurs pour une éventuelle levée de fonds, étant entendu que les fonds de capital-risque n’accepteraient jamais d’investir dans un service P2P illégal. Mais il est hors de question que nous soyons soutenus directement par les maisons de disques. Nous tenons à rester indépendants et c’est pour cette raison que nous restons prudents pour trouver les bons partenaires financiers et le bon apport d’argent.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter Grokster afin de développer MashBoxx ?

Je suis très proche de Daniel Rung, le fondateur de Grokster qui est une personne formidable et un très bon ami. Mais j’ai été approché en 2003 par un jeune développeur du nom de Pablo Soto, qui a lancé Blubster, un logiciel P2P de partage de musique, avec sa société Optisoft. Il était prêt à me proposer le double de mon salaire. L’approche est différente : Blubster est un circuit fermé tandis que Groskter ne s’appuie que sur une licence technologique identique à Kazaa. Mais Pablo a un avantage : il dispose du code. J’ai accepté ce job pour diriger ce nouveau projet P2P.

Compte tenu de la sortie mondiale du dernier épisode de Star Wars, pouvons-nous interpréter MashBoxx comme une façon de vous convertir au P2P légal après avoir été tenté par le côté obscur de la force du P2P en lien avec le piratage ?

Dans quelle mesure je pourrais être Dark Vador ? C’est une question intéressante (rires). Sincèrement, je n’ai pas changé d’attitude. J’ai toujours dit que nous devrions obtenir des licences et qu’il faudrait se tourner vers un modèle payant. Je pense que j’ai gagné mon pari.

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