Dans le procès Yahoo, le juge Jean-Jacques Gomez a désigné François Wallon comme expert chargé d’« éclairer le tribunal sur les différentes solutions techniques pouvant être mises en oeuvre par Yahoo Inc. en vue d’exécuter la décision du 22 mai ». Cette dernière ordonne à Yahoo de « prendre toutes les mesures de nature à dissuader et à rendre impossible toute consultation [par des internautes français] sur Yahoo.com du service de ventes aux enchères d’objets nazis et de tout autre site ou service qui constitue une apologie du nazisme ou une contestation des crimes nazis ». L’expert à la Cour d’appel et au Tribunal administratif de Paris s’est entouré de l’Anglais Ben Laurie et de l’Américain Vinton Cerf (voir édition du 21 septembre 2000). Leur rapport a été présenté le 6 novembre dernier à la justice (voir édition du 6 novembre 2000).
70 % des internautes français peuvent être identifiés par leur adresse IP
La manière la plus simple de déterminer la nationalité des internautes est de se baser sur leur adresse IP, soulignent-ils. En effet, quand un ordinateur se connecte à Internet, il passe par un fournisseur d’accès qui lui alloue une adresse IP (pour Internet protocol). « On peut estimer que 70 % des adresses IP allouées à des internautes français peuvent être associées avec certitude à la domiciliation française du fournisseur d’accès », indiquent les experts. Ces derniers se sont adressés à l’Afa (Association des Fournisseurs d’Accès et de Services Internet) pour connaître « la part des connexions réalisées par des fournisseurs d’accès n’allouant pas des adresses IP pouvant être identifiées comme françaises ». La réponse de l’Afa est 20,57 % au 30 septembre 2000. Sachant que, selon une étude Médiamétrie datée de mars 2000, 87 % des internautes à domicile utilisent un fournisseur d’accès membre de l’Afa, les experts parviennent aux 70 % avancés.
Il reste 30 % des internautes qui ne pourraient pas être détectés à partir de leur adresse IP. Trois explications sont avancées : quand le fournisseur d’accès Internet (FAI) est multinational, quand il utilise un réseau privé de communications et enfin quand l’utilisateur passe par un site d' »anonymisation », c’est-à-dire qui cache l’adresse de provenance de l’internaute. AOL/Compuserve est l’exemple type de FAI multinational. Interrogé par François Wallon, AOL répondait : « Les adresses IP sont allouées aux abonnés d’AOL et de Compuserve sans tenir compte du pays d’origine de l’abonné. Un membre anglais peut se voir attribuer une adresse IP utilisée auparavant par un membre américain ou français. » D’autres données pourraient être employées, mais les experts rejettent la question :« Ni le cas des serveurs proxy, ni le paramétrage des navigateurs des internautes ne ressortent de la mission confiée par le tribunal. »Une déclaration sur l’honneur pour les 30 % restant
C’est pourquoi les experts recommandent une « déclaration sur l’honneur de sa nationalité par l’internaute, » pour ceux faisant partie des exceptions citées plus haut. « Un message (cookie) enregistré sur le poste de travail de l’internaute pourrait lui éviter d’avoir à renouveler sa déclaration à chaque connexion », proposent-ils. Ensuite, si un utilisateur est reconnu ou déclaré comme français, le moteur de recherche des enchères de Yahoo pourrait ne pas répondre à des requêtes contenant le mot « nazi ».
Finalement le collège d’experts tient à nuancer ses conclusions. Il prévient : « Rien n’interdit à un utilisateur d’appeler de France, par téléphone, un fournisseur d’accès dont le numéro de téléphone est étranger. Dans ce cas, l’adresse IP allouée dynamiquement aura toutes les chances d’être identifiée comme étrangère. » Quand en dernier lieu, ils estiment que « 70 % des adresses IP des internautes résidant sur le territoire français peuvent être identifiées comme françaises », ils ne manquent pas de prévenir :« Rien ne permet de dire qu’il en sera de même dans l’avenir. » Vinton Cerf va même plus loin en ajoutant une note séparée dans laquelle il remet en cause le principe de localisation géographique .
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